La Marine Belge libre
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Asdic- Admin
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Re: La Marine Belge libre
Voici une premiere phot d'un matelot Belge libre
Asdic- Admin
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Re: La Marine Belge libre
un lien intéressant :
http://www.abbl1940.be/ABBL1940files/ABBLbasisframeset.htm
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Asdic- Admin
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Re: La Marine Belge libre
les marins Belges au DDAy
Ce jour-là, en sortant de chez le commandant en chef du secteur de Sheerness, les commandants Larose et Hunter comme des dizaines d'autres «vieux» rejoignirent leurs bords d'un pas pressé. Leurs officiers de communications les rejoignirent dans leurs cabines, et ensemble, ils ouvrirent les coffres-forts. Depuis trois semaines, trois sacs scellés y reposaient, contenant tout le détail de l'opération «Neptune», la partie navale du plan d'invasion Overlord dont la date était désormais fixée à huit jours plus tard à peine: le 5 juin 1944.
A partir de ce moment, les équipages furent consignés, et les officiers s'attelèrent à leur besogne: déterminer le rôle exact de leur bâtiment dans la gigantesque machinerie sur le point de s'ébranler. Chacun avait à prendre dans cet énorme plan, la part qui lui revenait. Il y avait à dépouiller un volume pour chaque semaine d'opération, des nuées d'annexes concernant les communications, les indicatifs d'appels, les marées, un sac entier contenant les corrections à apporter, car les instructions dataient déjà du 24 avril.
Au fur et à mesure que leur travail avançait, les officiers, qui avaient trimé trois ans dans l'Atlantique, découvraient les détails de la plus compliquée et la plus difficile des opérations qu'on ait jamais vue, tâchant de prévoir le moindre incident et qui allait aboutir finalement à la libération de leur petit pays.
Ce n'était pas sans peine que le commandement britannique était parvenu à faire admettre cette conception d'un plan absolument détaillé à leurs alliés américains qui croyaient obtenir de meilleurs résultats en laissant aux divers chefs une large initiative dans le cadre de directives générales. Finalement, l'US Navy admit que l'adoption de cette conception risquait d'aboutir au chaos intégral dans une opération telle que «Neptune» et que celle-ci ne pouvait guère laisser de place à l'improvisation. En fait, «Neptune» serait un triomphe d'organisation, de détermination et de courage collectif plutôt qu'une opération donnant lieu à d'extraordinaires exploits individuels.
Ces plans remarquables étaient à l'étude depuis trois ans. En octobre 1943, l'amiral Ramsay avait été désigné en tant que chef allié des forces navales expéditionnaires. Agé de 61 ans, Ramsay avait été mis à la retraite en 1938 sur le rapport du commandant de la Home Fleet. Rappelé par suite de la déclaration de guerre, il avait reçu le commandement du secteur de Douvres, mis en place le barrage du Pas-de-Calais, organisé la magistrale évacuation de Dunkerque. Il avait également dressé les plans des débarquements d'Afrique du Nord et de Sicile. Il mit à la tête de son état-major, le «X staff», le contre-amiral Creasy, ancien directeur de la guerre anti-sous-marine de l'Amirauté. Il remplaçait le commodore Hughes Hallett, le vétéran de Dieppe qui avait conçu l'idée des ports artificiels Mulberries que son successeur réalisera.
Une section américaine vint compléter l'état-major installé à Norfolk House à Portsmouth. Il avait d'abord été convenu, à la conférence du Caire, que la Royal Navy assumerait seule la charge navale du débarquement. Mais l'Amirauté britannique s'estima bien vite incapable de fournir seule les bâtiments nécessaires à l'opération, même en réduisant leur nombre au strict minimum, sans automatiquement devoir abandonner d'une part toutes ses escortes océaniques pour fournir les deux cent trente-deux escorteurs demandés par l'amiral Ramsay et d'autre part le travail de dragage quotidien sur les côtes pour lui accorder les cent cinquante dragueurs nécessaires. Dans ces conditions, la Marine américaine finit par s'incliner et décida de fournir une certaine participation à l'opération.
Finalement, l'amiral Ramsay pourrait disposer de sept cent et deux navires de guerre, soit six cuirassés, deux monitors, vingt-deux croiseurs, cent dix-neuf destroyers, cent et treize sloops, frégates et corvettes, parmi lesquelles les deux belges Buttercup et Godetia, quatre-vingts patrouilleurs et trois cent soixante vedettes, auxquels viendraient s'ajouter vingt-cinq flottilles de dragueurs. En face, l'ennemi devait disposer de quatorze destroyers, peut-être renforcés par six autres qui pourraient être ramenés de la Baltique ou de Norvège, une soixantaine de vedettes et trente dragueurs, sans parler d'un minimum de cent et trente U-boot disponibles .... et des fameuses armes secrètes.
A la fin du mois de mai 1944, les ports du sud de l'Angleterre grouillent de navires. Quatre mille deux cent soixante six bâtiments de débarquement sont réunis en vue de l'opération. L'Angleterre entière travaille afin de construire des barges. Les rives de toutes les rivières ont vu surgir des quantités de chantiers improvisés. Des ateliers et des garages de l'intérieur fabriquent des sections de barges. Des USA parvient un flot ininterrompu de ces Landing Craft Tanks, Infantry, etc., dont vingt et un mille cinq cent vingt-cinq ont été construits à une vitesse record pendant la seule année 1943.
Les ports sont tellement encombrés qu’une notable partie du trafic normal et des convois postérieurs à l'opération «Neptune» doit être détournée vers les ports du Nord.
Ce fait, signalé par les reconnaissances allemandes, ajouté aux attaques aériennes et à la campagne de minage des eaux de la Baltique et du Nord destinée en réalité à interdire une descente des navires allemands vers la Manche, confirme Hitler dans son idée fixe que le débarquement aura lieu en Norvège.
Entre-temps, les travaux préparatoires se sont poursuivis et bien peu des officiers qui se mettent fébrilement à étudier les instructions se doutent des risques et de l'héroïsme que leur édification a parfois exigé. Les cartes de la côte française dataient d'au moins quatre ans. Il a fallu les mettre à jour. Le comportement des ports artificiels Mulberry et Goosberry dépendra de la nature du sous-sol marin: le choix de la plage fera que les chars débarqués s'enliseront ou non.
Ce travail d'examen a été accompli froidement, à portée des batteries ennemies par des officiers de réserve embarqués à bord de petites péniches LCP (Sy) – Landing Craft Personnal (special), spécialement aménagées et des équipes se sont même faufilées à terre pour y prélever des échantillons de sable.
A bord de tous les navires, les officiers n'ont plus le temps de lever la tête. Ils ont à se familiariser en quelques jours avec une foule de nouveaux groupes d'initiales barbares: TURCO ou Turn Round Control Organisation, et BUCO ou Build up Control Organisation, destinés à organiser la rotation des navires et convois de la manière la plus efficace possible, de les ramener dès que déchargés, et d'adapter très soigneusement ces rotations aux besoins des armées débarquées; COREP, Control Repair Organisation, chargée de l'entretien et de la réparation de tout ce matériel navigant, COTUG, Tug Control Organisation qui devra utiliser au mieux les cent quatre-vingt douze remorqueurs disponibles.
Rien n'est laissé au hasard, pas plus le remplacement des canons usés par les tirs que le ravitaillement. Un grand spécialiste du sauvetage, Mr. Mac Kenzie, de la Metal Industry s'est vu commissionné au grade de commodore RNVR (Royal Navy Volunteer Reserve) et attaché à l'état-major de l'amiral Ramsay avec la charge du relevage des épaves. Après l'ouragan du 19 juin et à la libération des ports occupés, il fournira un travail extraordinairement efficace.
Pour simplifier la formation des convois, leur contrôle et leur dispersion, chaque navire portera sur chaque bord un tableau noir indiquant en quelques lettres et chiffres son appartenance et sa destination. Ainsi le ETMS 5, c'est le convoi partant de l'England Thames, chargé de matériel motorisé, cinquième convoi. Ainsi les commodores de convois et les corvettes en charge pourront-ils facilement reconnaître ce qui dépend d'eux parmi les centaines de navires à l'ancre.
Dans toute cette immense machinerie, les commandants Larose et Hunter trouvent la place exacte et la mission de leur bateau.
La Godetia est attribuée à la Force L (contre-amiral Parry) qui assure l'escorte des convois de la première vague suivant immédiatement les forces d'assaut dans le secteur oriental.
La Force L comporte les destroyers Cotswold et Vivacious, les frégates Chelmer et Halsted et cinq corvettes, soit outre la Godetia, les Mignonette, Clematis, Narcissus et Oxlip ainsi que trois chalutiers anti-sous-marins. Ces douze bâtiments amèneront aux plages 121 péniches de débarquement, soit 49 LST(s) (Landing Ship Tank), 19 LCI(s) (Landing Craft Infantry) et 53 LCT(s) Landing Craft Tank).
Quant à la Buttercup, elle appartiendra en permanence au Nore Command.
Elle fait partie des forces d'escorte mises globalement à la disposition des convois de Normandie et qui comprennent les croiseurs Despatch, Ceres et Capetown, trente-quatre destroyers, huit sloops, dix frégates et quarante et une corvettes, outre la Buttercup et la Lavender.
Le 3 juin, à 17 heures, la Buttercup mouille à Sheerness. Les officiers scrutent les marques inscrites sur les coques, à la recherche du premier convoi qu'ils mèneront vers la France, le ETC 2Y.
Le 5 juin elle tire toujours sur sa chaîne, à l'ancre devant Sheerness au milieu d'un immense rassemblement de navires de toutes nationalités. Elle arbore un immense pavillon belge qui indique que malgré son nom anglais et son appartenance à la Royal Navy, elle est armée par un équipage belge.
Le mauvais temps contraint Eisenhower à retarder l'opération d'un jour. Les premières formations déjà en route sont rappelées.
Il y a de l'électricité dans l'air. Les canonniers astiquent leurs pièces. Les torpilleurs graissent leurs grenades anti-sous-marines.
Le cuisinier chante à tue-tête «Malborough s'en va-t-en guerre) en nettoyant ses casseroles. Le sifflet appelle l'équipage sur la plage arrière. Le commandant Hunter apparaît suivi de son second, le commandant Libert, le visage enfoui dans sa barbe noire, des lieutenants Blondé, De Schutter, Van Schoonbeek, Van de Walle. Le vent souffle en rafales, soulevant les cols des matelots. Le commandant lit le message du commandant en chef des Forces Navales, l'amiral Ramsay.
Le commandant Hunter ajoute simplement :
« Nous allons débarquer en France ».
Le klaxon rappelle aux postes de manœuvres. Le guindeau tourne, l'ancre sort de l'eau, dégoulinante, la corvette appareille. Lentement, en roulant, elle se dirige, avec deux autres escorteurs et son convoi d'une dizaine de bâtiments vers le lieu de rendez-vous : la zone Z, surnommée Picadilly Circus .
La Buttercup n'arrivera pas avant le lendemain matin sur la tête de pont: les routes sont chronométrées. Les matelots regardent l'eau défiler lentement et la mer couverte de navires.
«Nous avons plus de navires que l'ennemi de soldats », ricane un homme.
Mais pendant que l'armada s'ébranle lentement d'autres navires sont déjà à pied d'œuvre, et parmi leurs équipages se trouvent des Belges. Ce sont les dragueurs de mines océaniques.
Les dragueurs de mines arrivèrent devant la côte normande le 5 juin 1944 dans la soirée. L'amiral américain Kirk avait dit qu'ils seraient la clef de voûte de la bâtisse, dans cette opération, et ils le furent vraiment. Sur tous les navires de transport à l'ancre dans les ports du sud-est, les rumeurs annoncèrent que le débarquement allait commencer dès que les dragueurs de mines auraient appareillé.
Couverts par dix destroyers, quatre-vingt-dix-huit gros dragueurs escorteurs s'avancent en baie de Seine, traînant les longs câbles métalliques de leurs dragues, serrés en formations rigides. Ils ouvrent dix chenaux parallèles dans les champs de mines, droit vers les cinq plages qui deviendront célèbres : Ouistreham que les codes ont rebaptisée Sword et où débarqueront les hommes de la force S, Bernières devenue Juno pour la force J, Arromanches, petite plage tranquille de famille dont le nom allait être plus connu encore que celui du code, Gold, vers où marche la force G, Vierville, c'est-à-dire Omaha pour les Américains de la force 0, et Sainte-Mère-Eglise, Utah que prendra la force U.
Sur la passerelle du dragueur d'escadre Lyme Regis, le lieutenant de vaisseau J. Van Dyck fait courir sa pointe sèche sur la carte et se redresse, soucieux. Il se tourne vers le commander Brown, carré dans le fauteuil de bois perché sur le roof de la timonerie, d'où il domine toute sa passerelle et la mer qui l'entoure.
- Commandant...
- Un pépin, pilot?
Le commandant britannique s'est penché vers son navigateur. Le jeune Belge qui se destinait à la marine marchande s'est engagé au début de la guerre dans la Royal Navy où il a fait ses preuves. Il est actuellement navigateur à bord de ce navire-amiral de la 16e flottille de dragueurs et porte la responsabilité de la navigation pour ses huit navires; c'est lui qui doit faire arriver le chenal dragué droit sur la bonne place, dans la nuit du 5 au 6 juin.
- Commandant, nous allons arriver trop tôt.
D'après mes calculs, il fera encore clair quand nous serons en vue d'Ouistreham.
- Tant pis. Les convois et l'escadre de bombardement nous talonnent et le dragage impose une vitesse minimum.
Un convoi de transports de chars est en avance d'une demi-heure. Il faut lui envoyer une vedette pour le stopper.
Les 16e et 14e flottilles continuent leur route. Déjà, la ligne sombre de la côte se détache à l'horizon. Les dragueurs avancent. Ils ont 590 tonnes, un canon de 76mm., 60 hommes d'équipage, autant dire rien en face du terrible Mur de l'Atlantique et les 10 destroyers qui les escortent sont bien faibles. Les dragueurs avancent toujours, détruisant les mines.
- Dans combien de temps fera-t-il noir? demande le commandant Brown.
- Il reste trois heures avant la nuit, sir, répond le lieutenant Van Dyck.
- Nous sommes aussi nus ici que Lady Godiva sur son cheval!
Le 5, à 21 heures 45, les dragueurs sont si près que les marins peuvent distinguer clairement tous les détails des maisons. Ils ont nettoyé les approches jusqu'à 3 milles de la côte. Mais l'ennemi ne tire pas. Il se méfie. Voici plusieurs fois que d'inoffensifs bateaux anglais se sont ainsi faufilés jusque sous la côte même et dès que des pièces allemandes ont ouvert le feu, des nuées d'avions ont dégringolé du ciel pour les écraser.
Les dragueurs continuent tranquillement leur besogne. Ils s'enhardissent de plus en plus et vont draguer les zones de bombardement. A un moment donné, le commander n'est même pas surpris lorsque le lieutenant Van Dyck lui annonce froidement:
- Nous sommes à deux milles de la côte, sir.
Le capitaine de vaisseau Jennings dirige l'ensemble du dragage. Peu avant l'aube, son travail est bien avancé : il a déjà pu réunir les deux chenaux 5 et 6 menant à Gold et 3 et 4 ouvrant une route vers Omaha.
A bord, des unités des sept flottilles anglaises qui travaillent dans l'obscurité avec les trois américaines, il y a d'autres Belges: Poskin est sur le dragueur Chamois qui sautera bientôt sur une mine, le 21 juillet; Vervynck est sur le Larne qui sautera le 15 juin ...
Les formations s'avancent vers la France, étroitement contrôlées par l'état-major installé à l'Ecole Navale HMS Dryad à Portsmouth. Lentement, les convois progressent; s'ouvrent pour laisser passer les croiseurs qui gagnent leurs zone de bombardement, stoppent, se remettent en route selon les indications des services régulateurs.
Dix petites vedettes HDML (Harbour Defence Motor Launch) font la police, marquant l'entrée des chenaux. Derrière elles s'ouvrent de longs boulevards multicolores et sinueux.
La mer est assez forte. Des équipes météorologiques réparties des Açores aux Spitzberg préviennent le généralissime des évolutions du temps. Le 4 juin, le vent soufflait à une force 6, ce qui est énorme pour les péniches de débarquement à fond plat. Comme le débarquement était fixé au 5, les premiers éléments venaient d'appareiller quand le général Eisenhower décida de remettre l'opération d'un jour. Les formations à la mer firent demi tour en roulant et tanguant. Seule la 14e flottille de dragueurs d'escadre qui venait de tomber dans un champ de mines ignoré décida de le nettoyer et resta à la mer.
Le 5 juin, dans la soirée, quand les bâtiments appareillent, le vent du O.S.O tombe progressivement de la force 5 à 4, ce qui fait toujours de 19 à 26 km/h. Les gros navires de guerre ne bougent guère, mais les Landing Crafts souffrent et peinent dans les volées d'embruns. Le mal de mer fait des ravages parmi les troupes embarquées gavées de pilules spéciales.
Deux escadres de bombardement gagnent leurs postes.
Elles réunissent six cent quarante pièces lourdes supérieures à quatre pouces avec 95.365 obus dans leurs soutes.
Le «bombarding squadron» américain commandé par l'amiral Deyo se centre sur les cuirassés Nevada, Texas et Arkansas avec deux croiseurs américains et deux français, tandis que l'escadre anglaise aux ordres de l'amiral Patterson se compose des cuirassés Warspite, Ramilies, Nelson, du monitor Roberts, quatre croiseurs anglais et un polonais.
Il y a déjà quatre jours qu'elle s'est mise en route, car les sept cuirassés, deux monitors, vingt-trois croiseurs, cent et cinq destroyers se sont entraînés dans la Clyde ou à Scapa Flow de l'autre côté de l'Angleterre et ont rallié lentement les bases de départ du sud, puis Piccadilly Circus, ce point au large de l'île de Wight d'où se font le rassemblement et les départs des différentes forces.
Il fait froid. Les destroyers piquent du nez dans la plume et roulent.
Peu avant minuit, le destroyer Jervis capte le signal lumineux d'une vedette. C'est le départ de l'aventure. La minuscule vedette indique l'approche des chenaux dragués.
- Un feu rouge 20, lance un veilleur.
Les jumelles se braquent. Au creux des vagues paraît et disparaît au gré du roulis un petit lumignon rouge, et derrière il y en a d'autres, toute une rangée qui sinue à perte de vue. Plus à gauche, clignotent les bouées vertes qui indiquent dans la nuit le milieu du chenal et plus loin encore les feux blancs qui délimitent les chenaux. Les dragueurs ont eu de la peine à mouiller leurs balises dans le vent et les courants et elles courent en zigzags multicolores et torturés.
Le célèbre peintre de marine Wilkinson, embarqué sur le Jervis, est fasciné par tous ces feux. Mais le lieutenant de vaisseau Geluyckens les ignore superbement. Cadet de la promotion du Mercator de 1940, il a rallié la Royal Navy, est sorti premier à l'Ecole Navale de Dartmouth et est depuis longtemps officier-canonnier du Jervis. Il était à Anzio quand une bombe planante s'est écrasée sur l'avant du destroyer, le coupant net. Après avoir reçu un nouveau nez, le Jervis est revenu en Angleterre pour participer au grand coup, avec ses multiples préparatifs. Rien n'a été laissé au hasard.
Régulièrement, le commandant, l'officier de communications, lui-même en tant qu'officier-canonnier et toute son équipe de direction de tir ont été appelés à Southampton. Ils y ont étudié les codes, les cartes, les plans de tir, d'immenses photos de façon à ce qu'il n'y ait aucune erreur dans l'identification des objectifs.
Maintenant, le lieutenant Geluyckens se désintéresse des bouées lumineuses. Il a fait le tour de ses pièces. Gantés et encapuchonnés d'amiante, ses canonniers sont parés. L'officier se réinstalle dans son blockhaus d'où il dirigera les deux premières phases du «ramollissement» du Mur de l'Atlantique. Il a devant lui un album entier de photos, prises à 6 milles, à 5 milles, à 4 milles, à 3 milles de distance, sous tous les éclairages possibles. Autour de lui, des matelots gardent l'œil rivé à leurs télépointeurs en direction et en élévation, tandis qu'un correcteur tient le collimateur sur le but.
Au-dessus, la nuit est remplie du grondement des transports de parachutistes. Entre minuit et 5 heures du matin, mille cinquante-six bombardiers lourds anglais lâchent cinq mille tonnes de bombes sur les dix principales batteries ennemies, qui ne sont pas atteintes mais cela perturbe les communications.
L'aube se lève. Mille six cent trente forteresses volantes américaines lâchent leurs bombes, loin vers l'intérieur des terres.
Précédé d'un petit dragueur côtier, le Jervis s'avance vers la côte, vers Gold. Il est 5 heures 30. L’heure «H» est de 7 heures 25 pour Gold (Arromanches). Les hautparleurs de radio laissent tomber l'ordre de l'amiral:
- Open fire.
A cinq milles de la côte, le lieutenant Geluyckens voit, immenses dans ses verres de jumelles de tir, les deux fameux blockhaus qu'il doit détruire, qui lui appartiennent en propre depuis le temps qu'il les voit sur ses photos, au point qu'il en rêve la nuit.
Les obus commencent par balayer le sable jusqu'aux dunes, labourant la plage, faisant sauter les mines, envoyant en l'air les poutrelles anti-char. Les obus de marine nettoient le terrain. Puis le tir s'allonge et le destroyer entame le duel avec les défenses allemandes, avec le mur. Sourd au fracas, les oreilles coincées dans son écouteur, le jeune officier belge se soucie seulement de ses corrections.
- Rouge 52 .... à gauche, encore un peu. Oui, là, la maison rouge, feu!
Le destroyer s'avance toujours vers la plage. Il n'est plus maintenant qu'à mille quatre cents mètres.
- Cease fire.
Les péniches d'assaut arrivent, dépassent les destroyers qui cessent de tirer. Les bombardiers en piqué passent une dernière fois. Et puis, soudain, toute la côte s'allume. L'ennemi est encore vivant! Il tire.
Les soldats alliés courent là-bas sur la plage, s'écroulent sous les rafales de mitrailleuses. Maintenant, le Jervis va rentrer en action pour soutenir les troupes débarquées.
Les observateurs de marine, débarqués avec l'infanterie, possèdent des photos sur lesquelles sont superposées des grilles. Il leur suffit d'appeler le navire: - Photo 27, carré x.
Le lieutenant Geluyckens retrouve sur sa photo l'objectif, le transpose en données de visées et en moins de cinq minutes fournit le tir demandé.
Cent quatre-vingts pilotes de chasse ont reçu un entraînement spécial pour guider le tir des navires. Opérant par deux, se protégeant mutuellement, ils signalent les cibles aux navires.
Les batteries allemandes de Juno sont écrasées. A Sword, par contre, la riposte est effroyable.
Dès neuf heures trente, les batteries de Gold seront réduites. Le Jervis est envoyé en renfort à Sword (Ouistreham).
La nuit tombe, les destroyers se dispersent dans les mouillages pour fournir les barrages constituant l'ombrelle antiaérienne.
Ici aussi, tout a été prévu. Dès qu'un avion est signalé dans un secteur, tous les navires tirent pendant un certain temps dans cette direction, dans un magnifique et bruyant feu d'artifice. Et comme le lieutenant Geluyckens a sa chambre sous une pièce, il n'est pas question de dormir. Pendant les trente jours qui suivront, les canonniers ne dormiront guère que tous les trois jours, chaque fois qu'ils rentreront à Portsmouth faire le plein de munitions.
Les péniches de débarquement qui vont déposer à terre la troisième division d'infanterie défilent devant le navire-amiral, le HMS Largs et les notes d'une sonnerie de clairon montent vers la passerelle où amiraux et généraux regardent partir leurs hommes.
Le sous-marin de poche X 23 qui a servi de balise avec l'X 20 pour marquer la zone de débarquement et indiquer au projecteur la limite de la zone arrive, mission terminée et vient accoster le Largs. Puants, les yeux rouges, le visage mangé de barbe, les cinq hommes de l'équipage montent à bord.
Dans la grande salle des opérations encadrées d'immenses cartes, un lieutenant de vaisseau anversois met des messages en pile et porte des indications sur les plots. Le lieutenant de vaisseau Van Riel a participé à cinquante-deux petits raids de commandos ou du service secret sur les côtes de France avant de devenir officier de renseignement de la Force S, un des quatre cents officiers des trois armes dirigeant d'une salle aveugle les mouvements des navires, avions et soldats qui bousculent lentement l'ennemi retranché sur la «Côte de Nacre», travail écrasant, indispensable à celui des mille deux cent treize navires de guerre, quatre mille cent vingt-six de transport, neuf mille avions et trois millions de soldats qui donnent l'assaut. Et l'état-major n'est pas à l'abri du danger.
Trois torpilleurs allemands surgissent soudain du rideau de fumée à 5 heures 30.
Le HMS Largs évite une torpille de justesse. Deux torpilles passent entre !es Warspite et Ramilies. Une quatrième touche et coule le destroyer norvégien Svenner.
Le capitaine de corvette Timmermans commande la 202e flottille de débarquement depuis le 13 septembre 1943 et l'entraîne depuis ce temps pour ce jour «J».
Le 5 dans la soirée, il s'est mis lentement en route, avec huit de ses navires chargés de commandos du 48 Royal Marines, leurs vélos, leurs radios, mortiers et mitrailleuses.
Silencieux sur le pont des petits navires secoués par la mer, le commandant Timmermans a deux soucis: suivre l'horaire à la minute, et déposer ses commandos exactement là où ils doivent l'être à un mètre près
Sur la côte de Normandie, le soleil se lèvera à 6 heures top. La marée sera haute entre 9 heures 45 et 12 heures 45 selon les endroits. L'heure «H» est fixée à 6 heures 30 pour les plages du secteur US, 7 heures 25 à Gold et Sword, 7 heures 35 à l'aile droite de Juno et 7 heures 45 à gauche. Mais une reconnaissance ayant découvert des obstacles suspects devant Courseulles (Juno) la marche de la force J est ralentie. Pour "Timmy", l'heure «H» sera 8 heures.
Devant lui s'étalent des photos prises par des commandos à zéro pied d'altitude à trois cents mètres de distance. Le commandant prend lui-même les relèvements des repères sur la côte qui approche, les reporte sur la carte, les compare avec les photos. Ça y est ....
- Formation en flèche.
Le timonier déferle les pavillons. Les sept péniches qui suivent débordent et, le LCI(s) – Landing Craft Infantry (small) - 525 du commandant Timmermans en tête, elles avancent en fer de lance. Il y a encore cinq milles à parcourir. Mais tout reste silencieux. Les cuirassés ont cessé le tir et les destroyers avancent aux côtés des péniches.
- Ligne de front. En avant toute.
Les huit navires foncent à toute vitesse, à dix-huit nœuds. Des chars amphibies et des chars du génie ont été lancés en avant pour écraser les obstacles, mais la mer était encore trop haute et ils sont passés pardessus. Il n'y a plus qu'une solution: que les navires d'assaut se lancent eux-mêmes sur les obstacles pour les écraser. Peut-être iront-ils se clouer sur les asperges Rommel ou sauteront-ils sur les mines. C'est un risque, mais il n'y a plus le choix.
Soudain, la côte semble s'enflammer. Un feu d'enfer s'abat sur les embarcations. Les LCI ripostent de leurs oerlikons de 20mm. Le commandant Timmermans ordonne de faire de la fumée. Le 525 tire quelques obus fumigènes. Mais le rideau est trop peu dense pour gêner les batteries ennemies. Successivement un, puis deux LCI sont touchés. Emportés par leur élan, ils poursuivent leur route et atteignent la plage. Les troupes A, B et X du 48 RM se ruent à terre ... Deux autres bateaux touchent des obstacles à deux cents yards du rivage et s'immobilisent. Ils deviennent aussitôt une cible rêvée pour l'ennemi, tandis que la troupe y embarquée se jette à l'eau et continue à la nage. Les soldats dérivent, ahanent sous leur équipement, coulent ou atterrissent en désordre.
Le 525 s'avance. L'homme de barre s'écroule, tué net.
Le bateau touche un obstacle, le fracasse et le dépasse, sans sauter. Ses troupes et l'état-major débarquent. A l'entraînement Timmermans est parvenu à débarquer cent et vingt hommes en une minute deux secondes, record que les Américains ont pulvérisé avec cinquante neuf secondes, mais en se passant des rampes et au prix d'une série de jambes cassées, ce qui enlevait toute valeur militaire à leur exploit.
En attendant, des explosions retentissent. Six des huit Landing de la première vague resteront échoués, trop endommagés pour se dégager. Deux brûlent. Les troupes Z et Y sont à bord de LCI immobilisés sur des obstacles. Des LCA (Landing Craft Assault) font la navette pour les amener à terre. Les premiers commandos ont découvert un passage dans les champs de mines et progressent. De furieux combats commencent.
Le commandant Timmermans reçoit les rapports. Il donne ordre aux divers commandants d'effectuer les réparations élémentaires. Les sept LCI de sa deuxième vague touchent le sable. Il est 7 heures 40 et il y a dix minutes qu'il a atteint le sol de France, après quatre ans d'attente.
Le 525 peut reprendre la mer. Son équipe de «damage control» colmate rapidement une brèche par où l'eau suinte. Le pavois est criblé. Entre 8 heures du matin et 11 heures du soir, le bateau fait cinq fois la navette entre la plage et les transports mouillés plus au large, chargé de soldats serrés comme des sardines.
Et le 7, vers 1 heure du matin, il pousse jusqu'au village de Courseulles avec son second. Il ramasse dans une épicerie une bouteille de vin et un fromage fort, à la grande surprise de son second britannique:
- Voulez-vous dire, sir, que cela se mange?
- Et comment, mon garçon: vous autres, Anglais, vous ne savez pas ce qui est bon.
Le lieutenant commander Timmermans, de la Royal Naval Reserve, était redevenu continental.
Source bibliographique: Henri Anrys in "Congé pour mourir-Les Belges dans la guerre navale 1939-1945" Ed.P. De Meyere 1975
Crédit photographique: Musée Royal de l'Armée - Bruxelles.
Ecrit par: prosper, Le: 13/08/11
Source : http://www.freebelgians.be/articles/articles-4-69+les-marins-belges-au-debarquement-de-normandie.php
Ce jour-là, en sortant de chez le commandant en chef du secteur de Sheerness, les commandants Larose et Hunter comme des dizaines d'autres «vieux» rejoignirent leurs bords d'un pas pressé. Leurs officiers de communications les rejoignirent dans leurs cabines, et ensemble, ils ouvrirent les coffres-forts. Depuis trois semaines, trois sacs scellés y reposaient, contenant tout le détail de l'opération «Neptune», la partie navale du plan d'invasion Overlord dont la date était désormais fixée à huit jours plus tard à peine: le 5 juin 1944.
A partir de ce moment, les équipages furent consignés, et les officiers s'attelèrent à leur besogne: déterminer le rôle exact de leur bâtiment dans la gigantesque machinerie sur le point de s'ébranler. Chacun avait à prendre dans cet énorme plan, la part qui lui revenait. Il y avait à dépouiller un volume pour chaque semaine d'opération, des nuées d'annexes concernant les communications, les indicatifs d'appels, les marées, un sac entier contenant les corrections à apporter, car les instructions dataient déjà du 24 avril.
Au fur et à mesure que leur travail avançait, les officiers, qui avaient trimé trois ans dans l'Atlantique, découvraient les détails de la plus compliquée et la plus difficile des opérations qu'on ait jamais vue, tâchant de prévoir le moindre incident et qui allait aboutir finalement à la libération de leur petit pays.
Ce n'était pas sans peine que le commandement britannique était parvenu à faire admettre cette conception d'un plan absolument détaillé à leurs alliés américains qui croyaient obtenir de meilleurs résultats en laissant aux divers chefs une large initiative dans le cadre de directives générales. Finalement, l'US Navy admit que l'adoption de cette conception risquait d'aboutir au chaos intégral dans une opération telle que «Neptune» et que celle-ci ne pouvait guère laisser de place à l'improvisation. En fait, «Neptune» serait un triomphe d'organisation, de détermination et de courage collectif plutôt qu'une opération donnant lieu à d'extraordinaires exploits individuels.
Ces plans remarquables étaient à l'étude depuis trois ans. En octobre 1943, l'amiral Ramsay avait été désigné en tant que chef allié des forces navales expéditionnaires. Agé de 61 ans, Ramsay avait été mis à la retraite en 1938 sur le rapport du commandant de la Home Fleet. Rappelé par suite de la déclaration de guerre, il avait reçu le commandement du secteur de Douvres, mis en place le barrage du Pas-de-Calais, organisé la magistrale évacuation de Dunkerque. Il avait également dressé les plans des débarquements d'Afrique du Nord et de Sicile. Il mit à la tête de son état-major, le «X staff», le contre-amiral Creasy, ancien directeur de la guerre anti-sous-marine de l'Amirauté. Il remplaçait le commodore Hughes Hallett, le vétéran de Dieppe qui avait conçu l'idée des ports artificiels Mulberries que son successeur réalisera.
Une section américaine vint compléter l'état-major installé à Norfolk House à Portsmouth. Il avait d'abord été convenu, à la conférence du Caire, que la Royal Navy assumerait seule la charge navale du débarquement. Mais l'Amirauté britannique s'estima bien vite incapable de fournir seule les bâtiments nécessaires à l'opération, même en réduisant leur nombre au strict minimum, sans automatiquement devoir abandonner d'une part toutes ses escortes océaniques pour fournir les deux cent trente-deux escorteurs demandés par l'amiral Ramsay et d'autre part le travail de dragage quotidien sur les côtes pour lui accorder les cent cinquante dragueurs nécessaires. Dans ces conditions, la Marine américaine finit par s'incliner et décida de fournir une certaine participation à l'opération.
Finalement, l'amiral Ramsay pourrait disposer de sept cent et deux navires de guerre, soit six cuirassés, deux monitors, vingt-deux croiseurs, cent dix-neuf destroyers, cent et treize sloops, frégates et corvettes, parmi lesquelles les deux belges Buttercup et Godetia, quatre-vingts patrouilleurs et trois cent soixante vedettes, auxquels viendraient s'ajouter vingt-cinq flottilles de dragueurs. En face, l'ennemi devait disposer de quatorze destroyers, peut-être renforcés par six autres qui pourraient être ramenés de la Baltique ou de Norvège, une soixantaine de vedettes et trente dragueurs, sans parler d'un minimum de cent et trente U-boot disponibles .... et des fameuses armes secrètes.
A la fin du mois de mai 1944, les ports du sud de l'Angleterre grouillent de navires. Quatre mille deux cent soixante six bâtiments de débarquement sont réunis en vue de l'opération. L'Angleterre entière travaille afin de construire des barges. Les rives de toutes les rivières ont vu surgir des quantités de chantiers improvisés. Des ateliers et des garages de l'intérieur fabriquent des sections de barges. Des USA parvient un flot ininterrompu de ces Landing Craft Tanks, Infantry, etc., dont vingt et un mille cinq cent vingt-cinq ont été construits à une vitesse record pendant la seule année 1943.
Les ports sont tellement encombrés qu’une notable partie du trafic normal et des convois postérieurs à l'opération «Neptune» doit être détournée vers les ports du Nord.
Ce fait, signalé par les reconnaissances allemandes, ajouté aux attaques aériennes et à la campagne de minage des eaux de la Baltique et du Nord destinée en réalité à interdire une descente des navires allemands vers la Manche, confirme Hitler dans son idée fixe que le débarquement aura lieu en Norvège.
Entre-temps, les travaux préparatoires se sont poursuivis et bien peu des officiers qui se mettent fébrilement à étudier les instructions se doutent des risques et de l'héroïsme que leur édification a parfois exigé. Les cartes de la côte française dataient d'au moins quatre ans. Il a fallu les mettre à jour. Le comportement des ports artificiels Mulberry et Goosberry dépendra de la nature du sous-sol marin: le choix de la plage fera que les chars débarqués s'enliseront ou non.
Ce travail d'examen a été accompli froidement, à portée des batteries ennemies par des officiers de réserve embarqués à bord de petites péniches LCP (Sy) – Landing Craft Personnal (special), spécialement aménagées et des équipes se sont même faufilées à terre pour y prélever des échantillons de sable.
A bord de tous les navires, les officiers n'ont plus le temps de lever la tête. Ils ont à se familiariser en quelques jours avec une foule de nouveaux groupes d'initiales barbares: TURCO ou Turn Round Control Organisation, et BUCO ou Build up Control Organisation, destinés à organiser la rotation des navires et convois de la manière la plus efficace possible, de les ramener dès que déchargés, et d'adapter très soigneusement ces rotations aux besoins des armées débarquées; COREP, Control Repair Organisation, chargée de l'entretien et de la réparation de tout ce matériel navigant, COTUG, Tug Control Organisation qui devra utiliser au mieux les cent quatre-vingt douze remorqueurs disponibles.
Rien n'est laissé au hasard, pas plus le remplacement des canons usés par les tirs que le ravitaillement. Un grand spécialiste du sauvetage, Mr. Mac Kenzie, de la Metal Industry s'est vu commissionné au grade de commodore RNVR (Royal Navy Volunteer Reserve) et attaché à l'état-major de l'amiral Ramsay avec la charge du relevage des épaves. Après l'ouragan du 19 juin et à la libération des ports occupés, il fournira un travail extraordinairement efficace.
Pour simplifier la formation des convois, leur contrôle et leur dispersion, chaque navire portera sur chaque bord un tableau noir indiquant en quelques lettres et chiffres son appartenance et sa destination. Ainsi le ETMS 5, c'est le convoi partant de l'England Thames, chargé de matériel motorisé, cinquième convoi. Ainsi les commodores de convois et les corvettes en charge pourront-ils facilement reconnaître ce qui dépend d'eux parmi les centaines de navires à l'ancre.
Dans toute cette immense machinerie, les commandants Larose et Hunter trouvent la place exacte et la mission de leur bateau.
La Godetia est attribuée à la Force L (contre-amiral Parry) qui assure l'escorte des convois de la première vague suivant immédiatement les forces d'assaut dans le secteur oriental.
La Force L comporte les destroyers Cotswold et Vivacious, les frégates Chelmer et Halsted et cinq corvettes, soit outre la Godetia, les Mignonette, Clematis, Narcissus et Oxlip ainsi que trois chalutiers anti-sous-marins. Ces douze bâtiments amèneront aux plages 121 péniches de débarquement, soit 49 LST(s) (Landing Ship Tank), 19 LCI(s) (Landing Craft Infantry) et 53 LCT(s) Landing Craft Tank).
Quant à la Buttercup, elle appartiendra en permanence au Nore Command.
Elle fait partie des forces d'escorte mises globalement à la disposition des convois de Normandie et qui comprennent les croiseurs Despatch, Ceres et Capetown, trente-quatre destroyers, huit sloops, dix frégates et quarante et une corvettes, outre la Buttercup et la Lavender.
Le 3 juin, à 17 heures, la Buttercup mouille à Sheerness. Les officiers scrutent les marques inscrites sur les coques, à la recherche du premier convoi qu'ils mèneront vers la France, le ETC 2Y.
Le 5 juin elle tire toujours sur sa chaîne, à l'ancre devant Sheerness au milieu d'un immense rassemblement de navires de toutes nationalités. Elle arbore un immense pavillon belge qui indique que malgré son nom anglais et son appartenance à la Royal Navy, elle est armée par un équipage belge.
Le mauvais temps contraint Eisenhower à retarder l'opération d'un jour. Les premières formations déjà en route sont rappelées.
Il y a de l'électricité dans l'air. Les canonniers astiquent leurs pièces. Les torpilleurs graissent leurs grenades anti-sous-marines.
Le cuisinier chante à tue-tête «Malborough s'en va-t-en guerre) en nettoyant ses casseroles. Le sifflet appelle l'équipage sur la plage arrière. Le commandant Hunter apparaît suivi de son second, le commandant Libert, le visage enfoui dans sa barbe noire, des lieutenants Blondé, De Schutter, Van Schoonbeek, Van de Walle. Le vent souffle en rafales, soulevant les cols des matelots. Le commandant lit le message du commandant en chef des Forces Navales, l'amiral Ramsay.
Le commandant Hunter ajoute simplement :
« Nous allons débarquer en France ».
Le klaxon rappelle aux postes de manœuvres. Le guindeau tourne, l'ancre sort de l'eau, dégoulinante, la corvette appareille. Lentement, en roulant, elle se dirige, avec deux autres escorteurs et son convoi d'une dizaine de bâtiments vers le lieu de rendez-vous : la zone Z, surnommée Picadilly Circus .
La Buttercup n'arrivera pas avant le lendemain matin sur la tête de pont: les routes sont chronométrées. Les matelots regardent l'eau défiler lentement et la mer couverte de navires.
«Nous avons plus de navires que l'ennemi de soldats », ricane un homme.
Mais pendant que l'armada s'ébranle lentement d'autres navires sont déjà à pied d'œuvre, et parmi leurs équipages se trouvent des Belges. Ce sont les dragueurs de mines océaniques.
Les dragueurs de mines arrivèrent devant la côte normande le 5 juin 1944 dans la soirée. L'amiral américain Kirk avait dit qu'ils seraient la clef de voûte de la bâtisse, dans cette opération, et ils le furent vraiment. Sur tous les navires de transport à l'ancre dans les ports du sud-est, les rumeurs annoncèrent que le débarquement allait commencer dès que les dragueurs de mines auraient appareillé.
Couverts par dix destroyers, quatre-vingt-dix-huit gros dragueurs escorteurs s'avancent en baie de Seine, traînant les longs câbles métalliques de leurs dragues, serrés en formations rigides. Ils ouvrent dix chenaux parallèles dans les champs de mines, droit vers les cinq plages qui deviendront célèbres : Ouistreham que les codes ont rebaptisée Sword et où débarqueront les hommes de la force S, Bernières devenue Juno pour la force J, Arromanches, petite plage tranquille de famille dont le nom allait être plus connu encore que celui du code, Gold, vers où marche la force G, Vierville, c'est-à-dire Omaha pour les Américains de la force 0, et Sainte-Mère-Eglise, Utah que prendra la force U.
Sur la passerelle du dragueur d'escadre Lyme Regis, le lieutenant de vaisseau J. Van Dyck fait courir sa pointe sèche sur la carte et se redresse, soucieux. Il se tourne vers le commander Brown, carré dans le fauteuil de bois perché sur le roof de la timonerie, d'où il domine toute sa passerelle et la mer qui l'entoure.
- Commandant...
- Un pépin, pilot?
Le commandant britannique s'est penché vers son navigateur. Le jeune Belge qui se destinait à la marine marchande s'est engagé au début de la guerre dans la Royal Navy où il a fait ses preuves. Il est actuellement navigateur à bord de ce navire-amiral de la 16e flottille de dragueurs et porte la responsabilité de la navigation pour ses huit navires; c'est lui qui doit faire arriver le chenal dragué droit sur la bonne place, dans la nuit du 5 au 6 juin.
- Commandant, nous allons arriver trop tôt.
D'après mes calculs, il fera encore clair quand nous serons en vue d'Ouistreham.
- Tant pis. Les convois et l'escadre de bombardement nous talonnent et le dragage impose une vitesse minimum.
Un convoi de transports de chars est en avance d'une demi-heure. Il faut lui envoyer une vedette pour le stopper.
Les 16e et 14e flottilles continuent leur route. Déjà, la ligne sombre de la côte se détache à l'horizon. Les dragueurs avancent. Ils ont 590 tonnes, un canon de 76mm., 60 hommes d'équipage, autant dire rien en face du terrible Mur de l'Atlantique et les 10 destroyers qui les escortent sont bien faibles. Les dragueurs avancent toujours, détruisant les mines.
- Dans combien de temps fera-t-il noir? demande le commandant Brown.
- Il reste trois heures avant la nuit, sir, répond le lieutenant Van Dyck.
- Nous sommes aussi nus ici que Lady Godiva sur son cheval!
Le 5, à 21 heures 45, les dragueurs sont si près que les marins peuvent distinguer clairement tous les détails des maisons. Ils ont nettoyé les approches jusqu'à 3 milles de la côte. Mais l'ennemi ne tire pas. Il se méfie. Voici plusieurs fois que d'inoffensifs bateaux anglais se sont ainsi faufilés jusque sous la côte même et dès que des pièces allemandes ont ouvert le feu, des nuées d'avions ont dégringolé du ciel pour les écraser.
Les dragueurs continuent tranquillement leur besogne. Ils s'enhardissent de plus en plus et vont draguer les zones de bombardement. A un moment donné, le commander n'est même pas surpris lorsque le lieutenant Van Dyck lui annonce froidement:
- Nous sommes à deux milles de la côte, sir.
Le capitaine de vaisseau Jennings dirige l'ensemble du dragage. Peu avant l'aube, son travail est bien avancé : il a déjà pu réunir les deux chenaux 5 et 6 menant à Gold et 3 et 4 ouvrant une route vers Omaha.
A bord, des unités des sept flottilles anglaises qui travaillent dans l'obscurité avec les trois américaines, il y a d'autres Belges: Poskin est sur le dragueur Chamois qui sautera bientôt sur une mine, le 21 juillet; Vervynck est sur le Larne qui sautera le 15 juin ...
Les formations s'avancent vers la France, étroitement contrôlées par l'état-major installé à l'Ecole Navale HMS Dryad à Portsmouth. Lentement, les convois progressent; s'ouvrent pour laisser passer les croiseurs qui gagnent leurs zone de bombardement, stoppent, se remettent en route selon les indications des services régulateurs.
Dix petites vedettes HDML (Harbour Defence Motor Launch) font la police, marquant l'entrée des chenaux. Derrière elles s'ouvrent de longs boulevards multicolores et sinueux.
La mer est assez forte. Des équipes météorologiques réparties des Açores aux Spitzberg préviennent le généralissime des évolutions du temps. Le 4 juin, le vent soufflait à une force 6, ce qui est énorme pour les péniches de débarquement à fond plat. Comme le débarquement était fixé au 5, les premiers éléments venaient d'appareiller quand le général Eisenhower décida de remettre l'opération d'un jour. Les formations à la mer firent demi tour en roulant et tanguant. Seule la 14e flottille de dragueurs d'escadre qui venait de tomber dans un champ de mines ignoré décida de le nettoyer et resta à la mer.
Le 5 juin, dans la soirée, quand les bâtiments appareillent, le vent du O.S.O tombe progressivement de la force 5 à 4, ce qui fait toujours de 19 à 26 km/h. Les gros navires de guerre ne bougent guère, mais les Landing Crafts souffrent et peinent dans les volées d'embruns. Le mal de mer fait des ravages parmi les troupes embarquées gavées de pilules spéciales.
Deux escadres de bombardement gagnent leurs postes.
Elles réunissent six cent quarante pièces lourdes supérieures à quatre pouces avec 95.365 obus dans leurs soutes.
Le «bombarding squadron» américain commandé par l'amiral Deyo se centre sur les cuirassés Nevada, Texas et Arkansas avec deux croiseurs américains et deux français, tandis que l'escadre anglaise aux ordres de l'amiral Patterson se compose des cuirassés Warspite, Ramilies, Nelson, du monitor Roberts, quatre croiseurs anglais et un polonais.
Il y a déjà quatre jours qu'elle s'est mise en route, car les sept cuirassés, deux monitors, vingt-trois croiseurs, cent et cinq destroyers se sont entraînés dans la Clyde ou à Scapa Flow de l'autre côté de l'Angleterre et ont rallié lentement les bases de départ du sud, puis Piccadilly Circus, ce point au large de l'île de Wight d'où se font le rassemblement et les départs des différentes forces.
Il fait froid. Les destroyers piquent du nez dans la plume et roulent.
Peu avant minuit, le destroyer Jervis capte le signal lumineux d'une vedette. C'est le départ de l'aventure. La minuscule vedette indique l'approche des chenaux dragués.
- Un feu rouge 20, lance un veilleur.
Les jumelles se braquent. Au creux des vagues paraît et disparaît au gré du roulis un petit lumignon rouge, et derrière il y en a d'autres, toute une rangée qui sinue à perte de vue. Plus à gauche, clignotent les bouées vertes qui indiquent dans la nuit le milieu du chenal et plus loin encore les feux blancs qui délimitent les chenaux. Les dragueurs ont eu de la peine à mouiller leurs balises dans le vent et les courants et elles courent en zigzags multicolores et torturés.
Le célèbre peintre de marine Wilkinson, embarqué sur le Jervis, est fasciné par tous ces feux. Mais le lieutenant de vaisseau Geluyckens les ignore superbement. Cadet de la promotion du Mercator de 1940, il a rallié la Royal Navy, est sorti premier à l'Ecole Navale de Dartmouth et est depuis longtemps officier-canonnier du Jervis. Il était à Anzio quand une bombe planante s'est écrasée sur l'avant du destroyer, le coupant net. Après avoir reçu un nouveau nez, le Jervis est revenu en Angleterre pour participer au grand coup, avec ses multiples préparatifs. Rien n'a été laissé au hasard.
Régulièrement, le commandant, l'officier de communications, lui-même en tant qu'officier-canonnier et toute son équipe de direction de tir ont été appelés à Southampton. Ils y ont étudié les codes, les cartes, les plans de tir, d'immenses photos de façon à ce qu'il n'y ait aucune erreur dans l'identification des objectifs.
Maintenant, le lieutenant Geluyckens se désintéresse des bouées lumineuses. Il a fait le tour de ses pièces. Gantés et encapuchonnés d'amiante, ses canonniers sont parés. L'officier se réinstalle dans son blockhaus d'où il dirigera les deux premières phases du «ramollissement» du Mur de l'Atlantique. Il a devant lui un album entier de photos, prises à 6 milles, à 5 milles, à 4 milles, à 3 milles de distance, sous tous les éclairages possibles. Autour de lui, des matelots gardent l'œil rivé à leurs télépointeurs en direction et en élévation, tandis qu'un correcteur tient le collimateur sur le but.
Au-dessus, la nuit est remplie du grondement des transports de parachutistes. Entre minuit et 5 heures du matin, mille cinquante-six bombardiers lourds anglais lâchent cinq mille tonnes de bombes sur les dix principales batteries ennemies, qui ne sont pas atteintes mais cela perturbe les communications.
L'aube se lève. Mille six cent trente forteresses volantes américaines lâchent leurs bombes, loin vers l'intérieur des terres.
Précédé d'un petit dragueur côtier, le Jervis s'avance vers la côte, vers Gold. Il est 5 heures 30. L’heure «H» est de 7 heures 25 pour Gold (Arromanches). Les hautparleurs de radio laissent tomber l'ordre de l'amiral:
- Open fire.
A cinq milles de la côte, le lieutenant Geluyckens voit, immenses dans ses verres de jumelles de tir, les deux fameux blockhaus qu'il doit détruire, qui lui appartiennent en propre depuis le temps qu'il les voit sur ses photos, au point qu'il en rêve la nuit.
Les obus commencent par balayer le sable jusqu'aux dunes, labourant la plage, faisant sauter les mines, envoyant en l'air les poutrelles anti-char. Les obus de marine nettoient le terrain. Puis le tir s'allonge et le destroyer entame le duel avec les défenses allemandes, avec le mur. Sourd au fracas, les oreilles coincées dans son écouteur, le jeune officier belge se soucie seulement de ses corrections.
- Rouge 52 .... à gauche, encore un peu. Oui, là, la maison rouge, feu!
Le destroyer s'avance toujours vers la plage. Il n'est plus maintenant qu'à mille quatre cents mètres.
- Cease fire.
Les péniches d'assaut arrivent, dépassent les destroyers qui cessent de tirer. Les bombardiers en piqué passent une dernière fois. Et puis, soudain, toute la côte s'allume. L'ennemi est encore vivant! Il tire.
Les soldats alliés courent là-bas sur la plage, s'écroulent sous les rafales de mitrailleuses. Maintenant, le Jervis va rentrer en action pour soutenir les troupes débarquées.
Les observateurs de marine, débarqués avec l'infanterie, possèdent des photos sur lesquelles sont superposées des grilles. Il leur suffit d'appeler le navire: - Photo 27, carré x.
Le lieutenant Geluyckens retrouve sur sa photo l'objectif, le transpose en données de visées et en moins de cinq minutes fournit le tir demandé.
Cent quatre-vingts pilotes de chasse ont reçu un entraînement spécial pour guider le tir des navires. Opérant par deux, se protégeant mutuellement, ils signalent les cibles aux navires.
Les batteries allemandes de Juno sont écrasées. A Sword, par contre, la riposte est effroyable.
Dès neuf heures trente, les batteries de Gold seront réduites. Le Jervis est envoyé en renfort à Sword (Ouistreham).
La nuit tombe, les destroyers se dispersent dans les mouillages pour fournir les barrages constituant l'ombrelle antiaérienne.
Ici aussi, tout a été prévu. Dès qu'un avion est signalé dans un secteur, tous les navires tirent pendant un certain temps dans cette direction, dans un magnifique et bruyant feu d'artifice. Et comme le lieutenant Geluyckens a sa chambre sous une pièce, il n'est pas question de dormir. Pendant les trente jours qui suivront, les canonniers ne dormiront guère que tous les trois jours, chaque fois qu'ils rentreront à Portsmouth faire le plein de munitions.
Les péniches de débarquement qui vont déposer à terre la troisième division d'infanterie défilent devant le navire-amiral, le HMS Largs et les notes d'une sonnerie de clairon montent vers la passerelle où amiraux et généraux regardent partir leurs hommes.
Le sous-marin de poche X 23 qui a servi de balise avec l'X 20 pour marquer la zone de débarquement et indiquer au projecteur la limite de la zone arrive, mission terminée et vient accoster le Largs. Puants, les yeux rouges, le visage mangé de barbe, les cinq hommes de l'équipage montent à bord.
Dans la grande salle des opérations encadrées d'immenses cartes, un lieutenant de vaisseau anversois met des messages en pile et porte des indications sur les plots. Le lieutenant de vaisseau Van Riel a participé à cinquante-deux petits raids de commandos ou du service secret sur les côtes de France avant de devenir officier de renseignement de la Force S, un des quatre cents officiers des trois armes dirigeant d'une salle aveugle les mouvements des navires, avions et soldats qui bousculent lentement l'ennemi retranché sur la «Côte de Nacre», travail écrasant, indispensable à celui des mille deux cent treize navires de guerre, quatre mille cent vingt-six de transport, neuf mille avions et trois millions de soldats qui donnent l'assaut. Et l'état-major n'est pas à l'abri du danger.
Trois torpilleurs allemands surgissent soudain du rideau de fumée à 5 heures 30.
Le HMS Largs évite une torpille de justesse. Deux torpilles passent entre !es Warspite et Ramilies. Une quatrième touche et coule le destroyer norvégien Svenner.
Le capitaine de corvette Timmermans commande la 202e flottille de débarquement depuis le 13 septembre 1943 et l'entraîne depuis ce temps pour ce jour «J».
Le 5 dans la soirée, il s'est mis lentement en route, avec huit de ses navires chargés de commandos du 48 Royal Marines, leurs vélos, leurs radios, mortiers et mitrailleuses.
Silencieux sur le pont des petits navires secoués par la mer, le commandant Timmermans a deux soucis: suivre l'horaire à la minute, et déposer ses commandos exactement là où ils doivent l'être à un mètre près
Sur la côte de Normandie, le soleil se lèvera à 6 heures top. La marée sera haute entre 9 heures 45 et 12 heures 45 selon les endroits. L'heure «H» est fixée à 6 heures 30 pour les plages du secteur US, 7 heures 25 à Gold et Sword, 7 heures 35 à l'aile droite de Juno et 7 heures 45 à gauche. Mais une reconnaissance ayant découvert des obstacles suspects devant Courseulles (Juno) la marche de la force J est ralentie. Pour "Timmy", l'heure «H» sera 8 heures.
Devant lui s'étalent des photos prises par des commandos à zéro pied d'altitude à trois cents mètres de distance. Le commandant prend lui-même les relèvements des repères sur la côte qui approche, les reporte sur la carte, les compare avec les photos. Ça y est ....
- Formation en flèche.
Le timonier déferle les pavillons. Les sept péniches qui suivent débordent et, le LCI(s) – Landing Craft Infantry (small) - 525 du commandant Timmermans en tête, elles avancent en fer de lance. Il y a encore cinq milles à parcourir. Mais tout reste silencieux. Les cuirassés ont cessé le tir et les destroyers avancent aux côtés des péniches.
- Ligne de front. En avant toute.
Les huit navires foncent à toute vitesse, à dix-huit nœuds. Des chars amphibies et des chars du génie ont été lancés en avant pour écraser les obstacles, mais la mer était encore trop haute et ils sont passés pardessus. Il n'y a plus qu'une solution: que les navires d'assaut se lancent eux-mêmes sur les obstacles pour les écraser. Peut-être iront-ils se clouer sur les asperges Rommel ou sauteront-ils sur les mines. C'est un risque, mais il n'y a plus le choix.
Soudain, la côte semble s'enflammer. Un feu d'enfer s'abat sur les embarcations. Les LCI ripostent de leurs oerlikons de 20mm. Le commandant Timmermans ordonne de faire de la fumée. Le 525 tire quelques obus fumigènes. Mais le rideau est trop peu dense pour gêner les batteries ennemies. Successivement un, puis deux LCI sont touchés. Emportés par leur élan, ils poursuivent leur route et atteignent la plage. Les troupes A, B et X du 48 RM se ruent à terre ... Deux autres bateaux touchent des obstacles à deux cents yards du rivage et s'immobilisent. Ils deviennent aussitôt une cible rêvée pour l'ennemi, tandis que la troupe y embarquée se jette à l'eau et continue à la nage. Les soldats dérivent, ahanent sous leur équipement, coulent ou atterrissent en désordre.
Le 525 s'avance. L'homme de barre s'écroule, tué net.
Le bateau touche un obstacle, le fracasse et le dépasse, sans sauter. Ses troupes et l'état-major débarquent. A l'entraînement Timmermans est parvenu à débarquer cent et vingt hommes en une minute deux secondes, record que les Américains ont pulvérisé avec cinquante neuf secondes, mais en se passant des rampes et au prix d'une série de jambes cassées, ce qui enlevait toute valeur militaire à leur exploit.
En attendant, des explosions retentissent. Six des huit Landing de la première vague resteront échoués, trop endommagés pour se dégager. Deux brûlent. Les troupes Z et Y sont à bord de LCI immobilisés sur des obstacles. Des LCA (Landing Craft Assault) font la navette pour les amener à terre. Les premiers commandos ont découvert un passage dans les champs de mines et progressent. De furieux combats commencent.
Le commandant Timmermans reçoit les rapports. Il donne ordre aux divers commandants d'effectuer les réparations élémentaires. Les sept LCI de sa deuxième vague touchent le sable. Il est 7 heures 40 et il y a dix minutes qu'il a atteint le sol de France, après quatre ans d'attente.
Le 525 peut reprendre la mer. Son équipe de «damage control» colmate rapidement une brèche par où l'eau suinte. Le pavois est criblé. Entre 8 heures du matin et 11 heures du soir, le bateau fait cinq fois la navette entre la plage et les transports mouillés plus au large, chargé de soldats serrés comme des sardines.
Et le 7, vers 1 heure du matin, il pousse jusqu'au village de Courseulles avec son second. Il ramasse dans une épicerie une bouteille de vin et un fromage fort, à la grande surprise de son second britannique:
- Voulez-vous dire, sir, que cela se mange?
- Et comment, mon garçon: vous autres, Anglais, vous ne savez pas ce qui est bon.
Le lieutenant commander Timmermans, de la Royal Naval Reserve, était redevenu continental.
Source bibliographique: Henri Anrys in "Congé pour mourir-Les Belges dans la guerre navale 1939-1945" Ed.P. De Meyere 1975
Crédit photographique: Musée Royal de l'Armée - Bruxelles.
Ecrit par: prosper, Le: 13/08/11
Source : http://www.freebelgians.be/articles/articles-4-69+les-marins-belges-au-debarquement-de-normandie.php
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Re: La Marine Belge libre
Merci Asdic.
J'en mettrais au bout, avec des photos de ma collection, mais il faudra etre patient (en conges la).
Cordialement,
Jean-Daniel
J'en mettrais au bout, avec des photos de ma collection, mais il faudra etre patient (en conges la).
Cordialement,
Jean-Daniel
lemataf- Capitaine
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Re: La Marine Belge libre
Un groupe de reconstitution de la Marine Belge Libre :
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Localisation : Yerres
Re: La Marine Belge libre
Bonsoir Asdic,
Belle photo & surtout belles tenues, tant pour les effets presentes que pour le port des figurants.
Cordialement,
Jean-Daniel
Belle photo & surtout belles tenues, tant pour les effets presentes que pour le port des figurants.
Cordialement,
Jean-Daniel
lemataf- Capitaine
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Re: La Marine Belge libre
Belges Libres en 1945 à Skegness en Grande Bretagne :
Asdic- Admin
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Localisation : Yerres
Re: La Marine Belge libre
Tres jolies photos!
Merci du partage.
Jean-Daniel
Merci du partage.
Jean-Daniel
lemataf- Capitaine
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Re: La Marine Belge libre
Merci le mataf!
un peu plus pour notre doc !
un peu plus pour notre doc !
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